Il pleut dans mon coeur
Cher Journal,
On me trouve belle, belle et sauvage, au caractère insolent. Si mes multiples facettes – paradisiaques, pauvres, ensoleillées, pluvieuses – tendent à l’extrême, ma beauté singulière aux traits métissés continue d’intriguer. On rêve souvent de me photographier, mais plus le temps passe, plus il devient difficile de me rendre visite.
Si on me trouve belle, on me complimente autant qu’on m’abime. J’ai l’impression que mon corps ne m’appartient plus. Ma peau est sèche et brulée par le soleil. On tire, on coupe, on rase mes cheveux. Les millions de pieds nus qui me piétinaient auparavant m’écrasent aujourd’hui.
La nuit, on me déserte. Les quelques lampadaires, mes seules sources de lumière et de chaleur imaginaire, m’ont lâchée aussi. Je dors dans le noir complet. J’ai froid. On m’oublie quelques heures et on me retrouve le lendemain matin comme si de rien n’était.
Mais depuis quelques jours, je suis inconsolable. Si je me noyais déjà au milieu de cette saleté, mes larmes ont pris le dessus. Je pleure, submergée par les sentiments, fatiguée d’afficher un sourire de carte postale. Oui, je pleure sans relâche. Et si les ordures flottent, en revanche, moi, je coule. Je suis en apnée pour tenter de survivre. Combien de temps vais-je pouvoir tenir sous l’eau?
On me trouve belle, mais on m’abandonne au fond du gouffre. Mon coeur capital crie “au secours”, mais personne ne m’entend, la faute aux klaxons sûrement.
Alors on prie pour moi. On prie beaucoup. On prie encore. Et encore. On prie comme on a toujours prié.
On me trouve belle, mais on ne répond pas à ma détresse. Depuis combien de temps suis-je en apnée déjà? Il faut que je ressorte la tête de l’eau, même si à chaque bouffée d’air que je prends, c’est de la fumée que je respire.
Je veux vivre.
Cher Journal, je suis une île ballotée par les vagues. Je ne suis plus si belle, et mon coeur, inondé de larmes, souffre.
Madagascar
Awesome! Wonderful!
Super plume et texte aussi véridique que beau.
Bisous
Nina.
Merci Nina!
Magnifique!! Tout simplement.
Je te réponds en 2016! lol Merci encore!
WOW, Bakoly, je ne savais pas que tu écrivais… et si bien en plus!
Ni même que tu étais maman, d’ailleurs…
Je suis émue, touchée, heureuse, de te (re)découvrir en quelques mots dans ce blog…
Anne-Muriel
From Paris with Love
Merci de ton petit mot Muriel! eh oui, le temps passe 🙂
Que tu manies l’art de la métaphore avec style ma belle Koly!
C’est beau et poignant à la fois …
Merci beaucoup Noro! C’est un texte que j’ai adoré écrire!