Cher Jordan,
On s’est rencontrés sur Internet. C’était le coup de foudre immédiat. Je savais que c’était toi que je voulais et pas une autre. Si je savais que ce n’était pas gagné d’avance et que j’allais devoir me plier en quatre rien que pour toi, j’ai pris mon pied à te séduire.
J’ai dû patienter, longtemps, pour te voir en vrai. Tu étais si belle que forcément, j’étais pas le seul à te faire la cour. Les mecs, t’en avais à la pelle. Tu savais qu’ils seraient prêts à tout, quitte à faire la queue comme au primaire pour un essai avec toi.
Tu te prenais pour une star et tu nous annonçais que pour te voir, il fallait venir à telle heure, telle date et à tel endroit, comme une chanteuse qui annonce la date de son concert. Alors quand tu m’as enfin donné ce rendez-vous, j’ai foncé. Et si j’éprouvais un peu de ridicule à te guetter derrière ta fenêtre, à t’attendre dans le froid, ça ne m’a pas découragé.
Je m’en rappelle comme si c’était hier. On s’est regardés et comme un réflexe, je t’ai tout de suite tendu la main. J’étais un peu maladroit, trop pressé peut-être mais tu ne m’as pas repoussé.
Tout a si bien commencé même si c’est allé super vite entre nous. À peine quelques jours après que tu m’accompagnais déjà à mes matchs du weekend. J’étais fier de te montrer aux copains, ils disaient tous qu’on était bien assortis, trop bien même. Je les voyais un peu envieux, un peu jaloux. Ils auraient voulu prendre ma place en me voyant si bien dans mes baskets.
Je t’ai fait visiter mon appart. Tu étais tellement patiente. Si je ne pouvais pas toujours passer du temps avec toi, tu ne bronchais pas. Tu rentrais chez toi à m’attendre tranquillement dans ta maison en carton et je t’aimais aussi pour ça.
Le temps a passé, et j’ai commencé à douter. Je t’avoue que plusieurs fois, j’ai failli céder à la tentation. Je ne sais pas vraiment comment on a pu en arriver là, toi qui me semblait si solide de nature. J’ai réalisé que derrière cette carapace, tu étais fragile et que je me devais d’être toujours aux petits soins pour toi. Je ne pouvais jamais t’emmener dehors les jours de pluie ou de neige. J’avais trop peur qu’on t’écrase. Tu préférais rester à l’intérieur, au sec, loin de tous les dangers extérieurs. Puis j’ai commencé à râler, en voyant que tu supportais mal les petites égratignures de rien du tout.
Si on a parcouru mais surtout couru un bout de chemin ensemble, c’est mieux qu’on en reste là à présent Jordan. C’est devenu trop compliqué. Rentre chez toi, je ne voudrais pas t’abimer plus. Rejoins Adidas et compagnie. On peut rester amis si tu veux bien et trainer ensemble de temps en temps pour se rappeler la belle époque, mais pas plus. Je croyais vraiment avoir trouvé chaussure à mon pied, mais c’est dans les bras (et les semelles) d’une autre que j’ai trouvé confort et réconfort.
Si tu l’as connais? Peut-être. Elle est un peu plus jeune que toi, elle vient d’arriver en ville, et j’ai déjà décroché un rendez-vous avec elle.
Ton ex
PS: Évite de prendre la poussière, ça m’arrangerait.