Pourquoi, lorsque la réponse se trouve souvent au plus profond de soi, faut-il partir très loin pour la chercher? Parfois, on a déjà toutes les réponses en main, mais on décide de partir quand même, toujours très loin, pour justement tout remettre en question.
D’origine et de nationalité malgache, je suis aussi française et canadienne. Quand je pars en vacances avec mon Jules et notre petit garçon, je me balade souvent avec nos 8 passeports en poche selon nos destinations et j’ai toujours peur d’en perdre un en route (le passeport, pas mes hommes, quoique…)
Quand je vais en France, il n’est pas rare que mes amis me disent « salut la Malgache », au Canada « salut la Française » et à Madagascar, « salut la Canadienne ». En gros, c’est un peu comme si on me considérait toujours « vahiny » peu importe où je vais. Vahiny, ça veut dire « invité » en malgache ou encore « étranger à chez soi ».
Mille et une raisons qui pourraient expliquer le fait qu’on me considère vahiny à Madagascar. Parce que je ne suis pas née là-bas. Parce que mon malgache n’est pas aussi fluide. Parce que je n’y ai jamais habité. Parce que je ne connais pas par cœur le nom de chaque quartier. Parce que je ne fais pas partie de ces gens qui ont l’habitude de négocier le prix d’un meuble comme ils négocient un sachet de citrons verts. Peut-être parce que ça se voit tout simplement sur mon visage, sur la façon dont je parle ou dont je m’habille ou bien sur tout ça confondu?
Mais je retiens chaque fois les voix, les odeurs, le soleil qui brûle, le visage de la petite fille pieds nus sur le trottoir qui vend du persil, les militaires qui font leur ronde le soir, les flics qui t’arrêtent pour un peu de tunes, les mecs qui pissent dans les rivières, les femmes qui font leur linge dans ces mêmes eaux, les soirées arrosées, les embouteillages sans fin, les enfants qui chantent et qui mendient, les bus remplis à craquer, l’agitation du marché, les négociations incessantes, le silence nocturne des rues, le vendeur de sandales, les chiens errants, les regards trop insistants, les routes étroites, les balades à la campagne, les chats dans la cuisine, le chant des coqs, le goût du ravitoto, les fruits exotiques, les réunions de famille, les fleurs du jardin, les mains de ma grand-mère, les « bienvenus à la maison ».
C’est sale, c’est pauvre, c’est dangereux, c’est corrompu, c’est brut, c’est beau, c’est paradisiaque, c’est vivant. Tout autant d’adjectifs pour décrire un seul et même pays. Des paysages à couper le souffle, percés par des sourires ridés et épuisés, mais sincères.
Alors certes, je ne rentre jamais à Mada, mais j’y vais, j’y retourne et j’y reviens. J’y laisse des traces, des amitiés, des amours. Un besoin ancré au fond de moi d’y aller et avec une chance inouïe de pouvoir le faire. J’y vais pour retrouver tous ces repères, les bons comme les mauvais, pour en prendre plein la vue, pour faire une pause, pour trouver des réponses, pour me poser d’autres questions, puis une fois le séjour terminé, pour enfin rentrer – ou retourner – au Canada, des souvenirs plein la tête et la maison sur le cœur.
Je me reconnais beaucoup dans le – Quand je vais en France, il n’est pas rare que mes amis me disent “Salut la Malgache”, au Canada “salut la Française” et à Madagascar, “salut la Canadienne” – Je suis une vazaha un peu partout en fait, pas vraiment identifiée ^^ Cette interminable quête de l’identité, on la connait tous 🙂
La question de l’identité, c’est vraiment une question qui a mille réponses 🙂
Tout ceci parle a beaucoup de gens d’origine Malagasy. Sommes nous des “apatrides” ? A Mada quand on s’adresse à nous. Ils disent “chez vous en France” et en France “dans votre pays” en parlant de Mada. Je ne sais pas VRAIMENT si on a un CHEZ NOUS…. puisque les deux sont CHEZ NOUS.
Tout ce qui est décrit dans le texte nous bouleverse…. être tout ça a la fois est une richesse…. vazah-gasy.
En effet, pourquoi choisir quand on peut être tout ça à la fois, c’est ça la beauté de pouvoir découvrir et vivre dans plusieurs pays!